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Après plusieurs semaines au cours desquelles j'ai été particulièrement mobilisé par les préparations et débats budgétaires dans un contexte de crise financière globale, je reprends mon clavier pour vous écrire sur mon blog. C'est à travers la culture et la démocratie que j'ai choisi de vous inviter au débat.


Le « Centro di Cultura Contemporanea Strozzina » (CCCS) de Florence en Italie, organise, jusqu’au 22 janvier 2012, l’exposition « Declining Democracy » (http://www.strozzina.org/en/exhibitions/declining-democracy/). Cette exposition s'inscrit dans une tendance qui vise à repenser la démocratie dans un contexte de crise sociale, économique, écologique et politique. Elle met l’accent sur l’influence de l’économie dans les décisions politiques, les migrations comme résultat de l’injustice, les nouvelles formes de participation, l’exclusion sociale, …


Cette exposition s’inscrit dans un contexte européen où la défiance dans les démocraties n'a jamais été aussi forte. Le symptôme le plus visible est symbolisé par la croissance de l’abstention dans tous les pays et la multiplication des votes sanction et de rejet. Si Peter Drucker, grand théoricien américain du management, écrivait en 1993 « Au-delà du capitalisme », dans un contexte où la financiarisation de l’économie et la mondialisation modifiaient en profondeur le fonctionnement de nos sociétés, Emmanuel Todd met l’accent en 2008 sur la crise de la démocratie avec « Après la démocratie », ce qui témoigne de l’ère du temps. Ou encore, Gérard Mendel, psychanalyste et sociologue, qui en 2003, dans « Pourquoi la démocratie est en panne », montre à travers un constat sévère que les responsables politiques sont souvent en incapacité de percevoir d’autres solutions à la crise politique que celles qui passent par eux (toute ressemblance avec un responsable politique bien connu ne serait que pure coincidence ...).


La prédominance de la société de marché sur les valeurs de solidarité et de justice a renforcé la crise de confiance en direction d'un système démocratique essoufflé et de représentants qui apparaissent souvent comme des pompiers de la spéculation financière plutôt que comme des visionnaires. La société de marché érige ainsi une société de défiance.


La politique brutale d’austérité menée par les gouvernements néo-conservateurs en Europe (France, Italie, Allemagne, Espagne, ...) amplifie cette tendance et creuse le fossé d’incompréhensions entre les responsables politiques et les citoyens, entre la promesse démocratique et sa réalisation. Il suffit d’observer le mouvement d’indignation dans la jeunesse européenne qui se développe de jour en jour. J’ai en tête une citation d’Annah Arendt qu’Olivier Faure avait choisi en 2001, avant le « tremblement de terre » du 21 avril 2002, pour illustrer son livre « Le bruit du Tic Tac » : « L’avenir est comme une bombe bénéfique ou maléfique, au mécanisme d’horlogerie profondément enfoui, mais donc le tic-tac résonne dans le présent. Les jeunes générations sont, plus que les autres, celles qui entendent le bruit du tic-tac ». Il ne faut pas rester sourd face au désespoir d’une partie de la jeunesse qui, frappée par la crise, ne croît plus en la promesse républicaine d’émancipation.


La démocratie impose la confiance, la reconnaissance mutuelle, la réciprocité, la transparence et la coopération. Elle est avant tout sociale et humaine. La jeunesse est une ressource, et non un problème, qui doit pouvoir bénéficier de la confiance collective pour refonder nos démocraties. Dans son discours de candidature aux primaires citoyennes, François Hollande répond aux défis qui sont devant nous : « Les Français attendent une cohérence, une constance, une maîtrise, un respect, bref une exemplarité du prochain président. Qu’il exerce pleinement le pouvoir qui lui sera conféré. Mais comment pourrait-il avoir l’illusion de réussir seul ? Il doit inventer une manière de mobiliser l’ensemble des énergies. Le Parlement doit retrouver sa fonction délibérative, les collectivités territoriales leur capacité d’action avec un nouvel acte de la décentralisation, les partenaires sociaux doivent voir leur rôle consacré dans la Constitution, enfin les citoyens mobilisés pour accomplir la transition écologique et énergétique. ». Cela imposera notamment de garantir l’indépendance de la justice, d’assurer le pluralisme et l’indépendance des médias, de renforcer le pouvoir du Parlement, de lutter contre les conflits d’intérêts et de limiter le cumul des mandats. Il faudra abroger la réforme territoriale qui accroit les injustices territoriales et engager un nouvel acte de la décentralisation pour rapprocher les pouvoirs de décisions des citoyens.


Il y a aujourd’hui une aspiration à une démocratie plus représentative, plus responsable, plus transparente et plus participative.

 

Face à ce besoin de démocratie et de politique, de  nouvelles formes d'expression et de participation se sont développées. C'est sans nul doute ce que Pierre Rosanvallon appelle la "contre-démocratie", une expression sociale de la défiance. C’est un ensemble de pratiques de surveillance, d’empêchement et de jugement au travers desquelles la société exerce des pouvoirs de correction et de pression. On parle d’ailleurs de plus en plus de contre-pouvoirs, de politique non gouvernementale, … Les citoyens se mobilisent dans l’action de proximité mais aussi sur internet. De nouvelles formes de communion sociale se développent qu’elles soient urbaines, domestiques ou numériques. Cette démocratie civile s’accompagne de nouvelles problématiques et conduit aussi à des fragmentations là où on a besoin de cohérence et de globalité dans un monde devenu plus complexe.

 

L’exposition du CCCS appelle donc à la réflexion et à l'action. De Thomas Kilpper (http://www.strozzina.org/declining-democracy/e_kilpper.php) qui s'est concentré sur la question des migrations comme résultat de l’injustice en passant par Francis Alÿs (http://www.strozzina.org/declining-democracy/e_alys.php) qui évoque la force de l'union au service d'un idéal, ces artistes ouvrent de nouvelles perspectives.

 

Selon Giannina Mura, journaliste pour « Art actuel», c'est "une exposition qui engage la réflexion à 360 degrés. Ou la preuve que si l'art ne peut pas changer le monde, il peut certainement contribuer à changer notre regard sur celui-ci ».

 

Après cinq années de régressions en matière d’éducation et de culture qui sont le résultat de la politique injuste menée par le gouvernement UMP, il est grand temps de réussir le changement et de rouvrir la promesse d’émancipation. La culture et l’éducation aident chacun à comprendre le monde, à s’y adapter et à contribuer pleinement aux débats liés à son évolution. Elles constituent, à n’en point douter, le moteur des idées nouvelles qui nous permettront de retrouver le chemin de l’espérance.

Tag(s) : #La démocratie en panne
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