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Le 26 janvier, le Premier Ministre m’a sollicité pour proposer des solutions de sortie de crise dans le cadre du conflit des taxis. J’ai accepté cette mission car je travaillais depuis près d’une année sur le lien entre la révolution numérique et le progrès humain (dans le cadre de mon livre « La gauche a perdu sa boussole, offrons-lui un GPS »). Comment peut-on réussir à concilier révolution numérique et progrès humain ? Comment permettre de nouveaux progrès pour l’Homme et éviter la paupérisation qui peut être la conséquence de logiques destructrices ?

Il s’agit de remettre l’humain au cœur des choix. En effet, l’expression « économie collaborative » renferme différentes réalités. Cela va de la start-up qui innove et qui s’inscrit dans une dynamique collaborative à la multinationale qui se développe sur la base de schémas d’optimisation fiscale et qui veut imposer un monopole sectoriel. L’économie collaborative peut être une chance comme elle peut être un mirage ! Je crois que le conflit des taxis peut hélas apparaître demain dans d’autres professions confrontées aux transformations numériques. Le taxi est présenté par ses détracteurs comme profession en disparition alors même que dans tous les pays du monde il est le premier à nous accueillir !

Ce conflit est souvent présenté, à tort, comme un conflit entre les Taxis et les VTC alors que c’est un conflit des chauffeurs (Taxis, VTC, Loti) face à certaines plateformes numériques. Les chauffeurs sont confrontés à une paupérisation imposée par le dumping social. Il est donc nécessaire de répondre aux enjeux de l’innovation pour le consommateur, tout en protégeant les personnes. Apporter une réponse aujourd’hui peut permettre de tracer un chemin pour demain où l’humain est véritablement au cœur des choix.

Nous avons reçu ensemble, avec Manuel Valls, Alain Vidalies et Bernard Cazeneuve, l’ensemble des organisations de taxis à Matignon dès le 28 janvier. J’ai alors préconisé plusieurs solutions immédiates au Premier Ministre :

- Renforcement des contrôles (plus de 15.000 véhicules contrôlés depuis le mois de février dont des opérations CODAF dans les gares et les aéroports) pour assainir la situation. Les contrôles portent sur l’ensemble des chauffeurs (Taxis, VTC, Loti). Ils sont maintenus avec en particulier la mobilisation des Boers, des formations organisées en direction des services de police et de gendarmerie dans les départements. J’ai participé à des opérations de contrôle avec le Préfet de la préfecture de police et ai rencontré les responsables des aéroports et gares.

- Mise en place de cellules d’accompagnement des situations individuelles, dans chaque département, pour aider les chauffeurs en difficulté. Les coordonnées des référents départementaux ont été adressées à toutes les organisations professionnelles pour qu’elles puissent relayer auprès des chauffeurs. Plusieurs centaines de dossiers déposés ce qui témoigne bien de réelles difficultés dans la profession. Depuis, cette mesure a été renforcée par un outil simplifié de saisine du médiateur du crédit, que j’ai contacté dans le cadre de difficultés rencontrées avec les banques http://idf.direccte.gouv.fr/Guichet-unique-pour-les-taxis-parisiens

- Lettre de mise en demeure envoyées aux plateformes numériques pour leur demander des éléments sur les chauffeurs qu’elles mettent en relation avec les clients. L’absence de réponse des plateformes aux demandes formulées par les lettres de mise en demeure aboutit à la nécessité de légiférer puisqu’elles se sont réfugiées derrière l’actuelle rédaction du code des transports. Le Gouvernement indiquait déjà, par la voix du Premier Ministre : « Le Gouvernement veillera particulièrement à réprimer tout détournement des dispositions de la loi LOTI sur les transports publics de personnes ». Malgré les contrôles, les détournements continuent. A aucun moment, et malgré les demandes répétitives auprès des plateformes, elles n’ont souhaité communiquer le nombre précis de chauffeurs LOTI qu’elles mettent en relation avec les consommateurs, empêchant ainsi le travail du régulateur. Le mutisme des plateformes numériques oblige les pouvoirs publics à réagir et le législateur à prendre ses responsabilités. Nous avons donc continué le travail avec les représentants des chauffeurs LOTI disposés à communiquer des éléments et à proposer des solutions.

Communiqué de presse du 28 janvier 2016 : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2016/01/28.01.2016_communique_de_presse_de_manuel_valls_premier_ministre_-_reunion_avec_les_federations_representatives_des_taxis.pdf

Travail de concertation avec tous les acteurs :

J’ai mis en place une réunion de travail hebdomadaire avec l’ensemble des organisations de taxis (organisations représentatives et associations). J’ai ensuite rencontré les organisations de VTC, de LOTI et les plateformes afin que chacun puisse me transmettre ses propositions. J’ai également rencontré individuellement différents acteurs dont des usagers et des chauffeurs qui travaillent par le biais de plateformes ou en tant que Taxis et VTC.

Mon rapport :

Ce travail a abouti au rapport que j’ai présenté au Premier Ministre, et à tous les acteurs, en toute transparence. Il est ainsi pour le moins déplacé que les plateformes disent ne pas avoir été associées au travail.

Mes propositions reposent sur la nécessité d’une concurrence saine entre les acteurs, d’une régulation et d'un besoin de visibilité pour tous les acteurs économiques.

Cela passe par une distinction claire entre les différents métiers (Taxis, VTC et LOTI) et une meilleure identification, des qualifications nécessaires compte tenu du fait qu’il s’agit du transport de personnes et donc de la protection du consommateur, une régulation du numérique pour éviter de nouvelles dérives, une modification de la gouvernance (au niveau du Gouvernement compte tenu du fait que ce secteur concerne trois ministères, mais aussi territoriale car les problématiques ne sont pas les mêmes en région parisienne et dans les départements), la prise en compte des difficultés de la profession, la situation des locataires à travers la difficulté d’accès aux licences et enfin la question des licences. Je précise aussi que le fonds de garantie proposé dans les solutions ne sera pas obligatoire, mais interviendra à la demande des acteurs concernés. Il s'agit d'un capital et non pas de "points retraites" (cette option n'a jamais été proposée). Le ministre Alain Vidalies se positionnera prochainement sur le fonds de garantie à l’issue des groupes de travail avec les acteurs.

Les propositions reposent donc sur la qualification (tronc commun d'examen) - la sécurité du consommateur (contrôles, outils numériques de contrôles), l'identification des acteurs, la visibilité pour les acteurs (fonds de garantie), et la modernisation.

L’évolution des usages et des mobilités sont au cœur de mes réflexions mais elles ne peuvent signifier l’absence de règles, l’absence de protection et le dumping social. Comme l’a rappelé le Président de la République, François Hollande, jeudi 11 février : « La concurrence doit être régulée. On ne peut pas faire que des gens qui ne paient pas d'impôts ni de cotisations sociales puissent s'introduire sur les marchés », « Les taxis avaient des droits, ils avaient acheté des plaques. D'un seul coup ils voient arriver des concurrents qui eux se sont modernisés avec le numérique pour ne rien payer. Il faut trouver une solution, c'est ce qui est en train de se faire ». Le Premier Ministre, Manuel Valls, a également déclaré le 8 juin 2016 : « Trop souvent, les plateformes imposent leur état de fait à l’Etat de droit. Il faut donc anticiper, accompagner les innovations, mais aussi protéger les personnes, les salariés, les artisans ».

Le rapport : http://www.laurentgrandguillaume.fr/IMG/pdf/Plan_de_modernisation_des_taxis_vfinale.pdf

La feuille de route du Gouvernement :

Après avoir pris connaissance de mon rapport, le ministre des transports, Alain Vidalies, qui coordonne désormais l’action des différents ministères sur le transport public particulier de personnes, a présenté sa feuille de route à l’ensemble des acteurs (Taxis, VTC, LOTI, Plateformes numériques). La feuille de route est claire : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Equilibre-economique-du-secteur-du.html Des groupes de travail ont été mis en place pour poursuivre le travail en particulier sur l’identification des VTC, le tronc commun d’examen Taxis –VTC (qui était déjà prévu au 1er janvier 2017 mais dont l’application a été avancée au 1er septembre 2016), le fonds de garantie, la régulation du secteur.

Légiférer pour réguler, responsabiliser et simplifier :

Afin de sortir durablement de la crise, j’ai déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion3855.asp

Cette proposition de loi, cosignée par des spécialistes des questions de transport comme Gilles Savary ou des questions de sécurité comme Daniel Vaillant, s’inscrit dans la continuité de mon rapport et de la feuille de route du Gouvernement présentés à tous les acteurs. Elle est soutenue par le Premier Ministre et le Président de la République comme en témoigne la procédure accélérée qui a été engagée par l'exécutif.

La proposition de loi vise en particulier à doter les pouvoirs publics d’instruments de régulation (observatoire national, remontée d’informations liées à l’absence de réponse des plateformes aux questions formulées dans les lettres de mise en demeure), à responsabiliser les plateformes, à clarifier les statuts des chauffeurs pour le consommateur, à permettre aux chauffeurs de travailler avec plusieurs plateformes.

Concernant les statuts des chauffeurs, comment expliquer à un consommateur que dans le cas où il est en groupe il peut faire appel à un LOTI sur réservation mais pas dans le cas où il est seul ! On est dans un système ubuesque qui mérite simplification pour revenir à deux statuts : Taxis et VTC. Le LOTI qui date de 1982 a été utilisé massivement en zone urbaine par les plateformes pour contourner la loi Thévenoud et imposer un état de fait à l’Etat de droit. Cela a totalement déséquilibré le marché en région parisienne. Une période de transition est donc prévue pour que les chauffeurs LOTI puissent demander l’équivalence VTC par reconnaissance de leur période d’activité. Dans le rural, ce statut ne pose aucun problème et nécessite donc pas de modification. Lorsque les plateformes dénoncent le fait que les critères de transition ne sont pas connus, elles omettent juste de dire que ces équivalences existent déjà. Cela fait partie des messages de propagande diffusés par l’achat de page dans la presse (exemple : Journal du Dimanche du 26 juin 2016 « 70.000 emplois menacés »). Eh oui, nous n’avons pas tous les moyens d’une multinationale pour communiquer ! Les plateformes vont même jusqu’à dénoncer le fait que les chambres des métiers et de l’artisanat puissent organiser le tronc commun d’examen Taxis – VTC alors que cela était déjà prévu en 2015 par un protocole d’accord.

Pour suivre l’examen du texte à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/regulation_transport_public_personnes.asp

Dans son discours à la jeunesse (Albi, 1903), Jean Jaurès disait : « Le courage c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe ».

Depuis 2012, j’ai consacré toute mon énergie dans mon mandat de parlementaire : mission suite au conflit entre les autoentrepreneurs et les artisans, co-présidence du conseil de simplification pour les entreprises, rapporteur thématique de la loi consommation dans laquelle j’ai fait supprimer les subprimes à la française (hypothèques rechargeables), rapporteur thématique de la loi croissance, activité et égalités des chances économiques dans laquelle j’ai fait voter des amendements d’encadrement des retraites chapeaux et des Golden Hello, rapporteur de la mission d’information sur Bpi France, auteur et rapporteur de la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (soutenue par ATD Quart Monde, Emmaüs France, Caritas, Fnars, Corace, Pacte Civique, Bleu Blanc Zèbre, Solidarité nouvelle face au chômage).

J’entends donc bien mener ce nouveau combat jusqu'au bout.

Taxis VTC LOTI : légiférer pour réguler, responsabiliser et simplifier
Tag(s) : #Conflit Taxis - VTC - Plateformes
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