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La crise sanitaire a provoqué une crise économique puissante, et bruyante, et une crise sociale qui enfle à bas bruit dans le vrombissement d’un moteur économique à l’arrêt.

La crise économique se manifeste d’ores et déjà par un nombre croissant d’entreprises en difficulté qui subissent une forte baisse de leur chiffre d’affaires. Je pense en particulier aux secteurs de la culture, de l’événementiel, du tourisme, de l’hôtellerie-restauration, ou encore de l’industrie aéronautique. Ces difficultés s’accompagnent d’un nombre grandissant de personnes privées d’emploi comme en témoignent les derniers chiffres publiés en France. Ainsi, notre pays compte aujourd’hui 2,7 millions de chômeurs, soit 628 000 personnes de plus au cours du dernier trimestre. Le taux de chômage sur an, au sens des normes édictées par Bureau international du travail (BIT), est en hausse de 0,6 point. Il faut rappeler qu’avant la crise sanitaire plus de 900.000 personnes étaient privées d’emploi depuis au moins trois ans. Le rebond du chômage est sans précédent et va creuser les inégalités et accroître la pauvreté. Si le dispositif ambitieux d’activité partielle a permis d’éviter de nombreuses suppressions d’emplois, il semble que les digues construites lors du premier confinement sont en train de se fissurer.

Si les aides aux entreprises, prévues par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance, leur permettent de traverser ces difficultés en limitant les ajustements structurels, une part prépondérante de ces mêmes entreprises, essentiellement des TPE et PME, se retrouvent en zone de risque importante. On parle de plus en plus de tsunamis à venir dans les tribunaux de commerce pour les mois qui viennent. En effet, si les rideaux ont baissé pour une seconde fois dans les villes, il est difficile d’estimer aujourd’hui combien d’entrepreneurs réussiront à les relever avec une période des fêtes qui sera sans nul doute une période de glaciation économique, et un risque non négligeable de nouvelles restrictions sanitaires au premier semestre 2021.

Tous les modèles sont percutés et doivent se réinventer, dans un délai trop court, et ce d’autant plus que les comportements individuels des consommateurs changent très vite. Les acteurs économiques font preuve malgré tout de résilience. Le « click and collect », ou retrait en magasin, se développe dans les villes malgré des contraintes sanitaires nombreuses. Les initiatives de commerçants se multiplient comme celle des libraires indépendantes qui développent l’usage de plateformes collaboratives. Mais ces initiatives ne sont pas suffisantes. Force est de constater que notre pays a beaucoup de retard en matière de digital, que ce soit dans la formation des salariés comme des indépendants, des infrastructures des entreprises comme des services publics. Face au retard numérique français, et j’ajouterai européen, les multinationales du GAFAM et du NATU tirent encore une fois leur épingle du jeu et renforcent leurs situations monopolistiques. Et donc l’accélération technologique qui vient se fera au détriment des emplois car ce seront pour la plupart des technologies importées.

La crise sanitaire a également mis en lumière nos fragilités en matière de pénurie de matériels de première nécessité (masques, blouses, respirateurs, ...), de biens industriels indispensables (batteries, composants électroniques, ...), et notre forte dépendance pharmaceutique, ... Notre système a été en incapacité de répondre aux besoins essentiels dans de brefs délais, suscitant des angoisses chez les citoyens et donc une nouvelle défiance tant vis-à-vis de l’Etat que des entreprises. C’est une des leçons de cette crise qui n’est pas terminée. Mais nous avons vu également des modèles émerger rapidement comme le « Projet Résilience » pour la production de masques par exemple, ce qui démontre que c’est possible si on sait lever les freins culturels et réglementaires.

Que faire face à ce défi économique ?

Je crois que c’est le moment pour les responsables politiques de se saisir de la question des « supply chain » en favorisant le développement des supply chain de proximité. Ce fut d’ailleurs un des sujets de la campagne électorale aux Etats-Unis avec des propositions portées en la matière par les démocrates. La supply chain est l’ensemble des tâches d’approvisionnement. Cette chaîne logistique comprend les achats, les relations avec les fournisseurs, la gestion des stocks, les transports et la manutention. Si les responsables politiques ont beaucoup investi d’espoir dans les « small business act » qui sont destinés à favoriser l’accès des TPE et PME à la commande publique locale, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous. La crise sanitaire montre qu’elles sont inopérantes en période de contraction de cette même commande publique. Les supply chain locales permettront des relocalisations. Certaines industries ont une avance en la matière. Je pense par exemple à Rossignol ou Thuasne. Ces supply chain de proximité favoriseront les circuits-courts, les réparations, le recyclage, les mobilités alternatives, la sécurité alimentaire (maraîchage, permaculture), les services aux personnes. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles s’adresseront aux besoins des personnes et des territoires, besoin qu’il convient d’identifier grâce à des gouvernances locales horizontales. Il ne s’agit pas seulement de relocaliser des usines mais sans doute de relocaliser aussi les savoirs permettant et autorisant les productions locales à l’image des chaînes logistiques qui se mettent en place avec des imprimantes 3D. Cela conduira à créer des activités non délocalisables, avec une forte intensité en travail humain, dans des écosystèmes complexes. Il s’agit bien de promouvoir une croissance inclusive qui prenne en compte chacun et qui respecte notre environnement.

Le secteur de la formation sera particulièrement sollicité et devra se transformer pour accompagner le reskilling, c’est à dire des formations pour des changements de métier. Il faut dire la vérité en la matière. Les activités naissantes ne permettront pas tout de suite de compenser les pertes d’emploi dans les secteurs qui s’effondrent. Il faudra du temps et accompagner les territoires avec des solutions innovantes mais surtout des solutions pensées et portées par les acteurs locaux.

Un autre défi qui est devant nous est celui des conséquences sociales de cette crise. Le chômage de longue durée, la pauvreté, l’isolement social incarné dans cette malheureuse expression de « distanciation sociale », les liquidations judiciaires, le surendettement, les conséquences à long terme de la COVID sur les personnes qui ont été hospitalisées, les maladies psychiques qui se sont développées dans la crise sanitaire, ... sont autant de maux dont il conviendra de guérir de notre pays par le soin. Cela ne se fera pas par des seuls programmes électoraux, ou par des programmes nationaux, mais bien par la mobilisation de toute la société : services publics, entreprises, associations, citoyens, ... Il y a urgence pour la tension monte dans la société. 

La condition indispensable pour réussir c’est la confiance. Dans une société de défiance généralisée, à l’ère des fake-news, il est urgent de reconstruire la confiance entre les acteurs. Il n’existe pas de solution magique. Cela passe nécessairement par l’écoute, le dialogue, la concertation, la coopération. Cela passe aussi par le fait de lever les freins qui empêchent de faire bouger les lignes. Nous sommes dans la validation a priori plutôt que dans l'évaluation à posteriori. Il est donc grand temps d’opérer un changement culturel permettant la naissance d'espaces de dialogue et de création. Dans un pays où les références, le CV, comptent plus que l’expérience, les capacités et les volontés, il faudra sortir des zones de confort institutionnelles pour guérir notre société.

Tag(s) : #Chroniques
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