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Le mouvement des #GiletsJaunes a dérouté les responsables politiques, les analystes traditionnels des mouvements sociaux, tout comme les acteurs du dialogue social formel. Et pourtant, il suffisait de tendre l'oreille.

Depuis plusieurs décennies maintenant, la colère gronde dans les territoires de France. Il faut se rappeler qu'en 1995, le slogan de campagne de Jacques Chirac portait déjà sur la fracture sociale. Que s'est-il passé depuis ? Les inégalités se sont creusées, les fractures se sont multipliées, les colères se sont exacerbées.

Le temps passant, c'est la fiscalité qui est devenue le catalyseur de la défiance car les citoyens ont vu leur situation se dégrader alors même qu'ils ont été de plus en plus soumis à une fiscalité pesante. Or, le service public, c'est à dire la contrepartie de l'impôt, a reculé dans le même temps. Que ce soit en matière de sécurité, de santé, d'éducation, d'accès aux transports, les inégalités sont désormais criantes et cumulatives. Les médiations sociales et culturelles, qui pouvaient soutenir les plus précaires, se sont réduites sous le poids de la gouvernance par les nombres.

Si l'on regarde vers notre passé, la question fiscale a toujours fait l'objet des plus vives réactions dans l'histoire de France et ce en particulier dans les moments de défiance envers les institutions. On peut ainsi remonter à 1382 pour voir les premières mobilisations contre les augmentations d'impôts. Ce fut la révolte des Maillotins à Paris (qui a donné son nom à la Porte Maillot à Paris), après celle de la Harelle (en référence au cri des émeutiers "Haro !") en Normandie et des Tuchins (ce n'est pas une jacquerie mais une societas organisée) en Auvergne et en Languedoc. Elles furent particulièrement violentes. Les mobilisations antifiscales viennent donc de loin, bien plus loin que le poujadisme comme je l'entends parfois cité en référence.

Cette colère fiscale, et sociale, est solidement ancrée dans les territoires comme dans les imaginaires sociaux et politiques. Il ne faut ni la caricaturer, ni l'ignorer. Elle s'installera dans la durée d'une façon ou d'une autre. Elle ne s'effacera pas par le lancement de dispositifs. Les bonnets rouges ont au départ été caricaturés, leur mobilisation a duré plusieurs mois et a fait définitivement reculer le Gouvernement sur l'écotaxe, sans effacer la colère et la défiance.

La question fiscale est le catalyseur des mobilisations actuelles même si d'autres revendications sont portées. Il est urgent de prendre des décisions justes pour sortir de cette crise sociale car il s'agit bien d'une crise sociale profonde et durable.

Les responsables politiques ayant affaibli les corps intermédiaires, ils sont dans l'obligation, dans leur diversité, de dialoguer en direct avec des citoyens qui ne sont pas forcément organisés avec des représentants. Personne ne tirera son épingle du jeu en se portant comme le premier opposant car il ne s'agit pas d'un jeu mais d'une des plus graves crises sociales que notre pays ait traversé depuis plusieurs décennies.

Il n'existe pas de solution magique.

Tout d'abord, il faudrait commencer par envoyer un signal fort sur les carburants et demander l'arrêt de tous les barrages pour rétablir l'ordre républicain dans l'ensemble du territoire et dans les plus brefs délais. Ce doit être une condition pour un dialogue constructif. Chacun doit faire un pas.

Ensuite, il faut lancer les dialogues territoriaux dans chaque département avec l'État, les collectivités locales, l'ensemble des acteurs sociaux, et les citoyens qui veulent construire les solutions durables. Chacun est conscient de l'urgence climatique, mais il ne peut y avoir de transition écologique réussie sans justice sociale. Les mesures doivent être co-construites dans les territoires. Enfin, il est nécessaire de mettre en œuvre un nouveau contrat social et écologique dans les plus brefs délais. Chaque mesure visant à limiter les pollutions doit s'accompagner de la mise en œuvre d'alternatives dans tous les territoires et accessibles à tous, sans coût supplémentaire pour la majorité sociale du pays.

Le moteur de l'indignation c'est l'injustice. Il est urgent de rouvrir le chemin de l'espérance et une voie pour agir. Il ne peut y avoir deux France qui s'affrontent, deux France orgueilleuses mais une France généreuse, fière de ce que nous sommes collectivement. Il y a urgence sociale et démocratique.

Tag(s) : #Les inégalités et l'exclusion
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