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J'ai été surpris des arguments, des approximations voire des mensonges utilisés dans cette tribune publiée sur le site internet d'Usine Digitale (http://www.usine-digitale.fr/article/le-coup-de-gueule-de-france-digitale-la-proposition-de-loi-grandguillaume-contre-les-vtc-ou-l-edit-de-rente-de-la-g7.N456887).

 

1) Clarifier les termes du débat :

Pour bien commencer le débat, il faut rappeler quelques bases. Le texte que je défends au Parlement est une proposition de loi, d'initiative parlementaire, et non pas un "projet de loi" qui par nature est d'initiative gouvernementale. Ce texte est issu des travaux de plusieurs mois associant tous les acteurs du secteur (organisations de taxis, de VTC, de LOTI, plateformes). Il entend répondre à un triple enjeu : réguler le secteur, responsabiliser les acteurs, simplifier les statuts juridiques. Il s'agit de protéger les chauffeurs dans leurs relations avec les plateformes tout en répondant aux besoins du consommateur. Il faut rappeler qu'en début d'année, certaines plateformes ont refusé de communiquer au régulateur le nombre de chauffeurs Loti avec lesquels elles travaillaient. Cela a empêché le régulateur de pouvoir trouver une issue rapide aux difficultés constatées sur le terrain. Ces plateformes se sont réfugiées derrière l'actuelle rédaction du code des transports, profitant d'un vide juridique. C'est une des raisons de la nécessité de changer les lois existantes.

Les bases civiques : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/fonctionnement/parlement/loi/quelles-sont-etapes-du-vote-loi.html

Pour bien commencer le débat, il faut aussi sortir d'un amalgame trop facile. En effet, les VTC sont confondus avec les plateformes. Or, les VTC sont des chauffeurs et non pas des plateformes numériques. Les VTC ce sont des femmes et des hommes qui travaillent.

Les bases du VTC : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31027

Pour bien commencer le débat, il faut rappeler que si nous étions dans une situation de monopole G7 par le passé, nous sommes désormais dans une situation de duopole G7 / Uber. Que gagnerait demain le consommateur à un monopole Uber ?

 

2) Une loi qui serait favorable à la G7 et à Uber ?

Au contraire, la proposition de loi vise à mettre fin aux clauses d'exclusivité qui empêchent les travailleurs indépendants (Taxis, VTC) de travailler avec plusieurs plateformes et de faire jouer la concurrence. Il est d'ailleurs étonnant de constater que les mêmes qui défendent la liberté d'entreprendre sont ceux qui aujourd'hui cherchent à contraindre les travailleurs indépendants en les soumettant à un dialogue commercial déséquilibré à travers notamment les conditions générales d'utilisation (CGU). Les CGU, telles que rédigées, favorisent d'abord les plateformes en place, et donc "l'esprit de la rente". En lisant la tribune de M. Robin, j’ai rêvé qu’il s’attaque à cette rente. Le médiateur des relations inter-entreprises, Pierre Pelouzet, s'est d'ailleurs dit disponible sur cette question des CGU s'il est saisi collectivement. Des initiatives sont en préparation, tout comme sur l’article L.442-6 du code du commerce. Il suffit d’ailleurs de relire le rapport de l’IGAS dont la proposition de loi s’inspire. On aurait aimé entendre les défenseurs de la liberté d'entreprendre se lever contre les déconnexions brutales, sans dialogue, de certaines plateformes envers les travailleurs indépendants. Si certaines plateformes veulent décider de tout pour les indépendants, elles peuvent les salarier. Quelle place pour les startup dans un secteur où les chauffeurs, anciens et nouveaux, ne pourraient pas faire jouer la concurrence ? Par ailleurs, quand on sait qu'Uber demande aux services de l'État la suppression de Heetch, on voit bien que l'esprit startup est à géométrie variable. La liberté pour soi mais jamais pour les autres.

Code du Commerce : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000022657744

Rapport de l’IGAS : http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article551

 

3) La régulation empêcherait les VTC ?

La suppression de l'article 2 par le Sénat en commission est un cadeau fait aux grandes plateformes. En effet, cet article prévoit la remontée de données essentielles au régulateur. Cette remontée de données serait de nature à éviter des pratiques qui ont conduit à écraser les acteurs existants et émergents par des pratiques déloyales. Cet article s'inspire de ce qui existe en particulier à New-York avec l'autorité de régulation locale TCL. Pourquoi ce qui est possible à New-York avec la TCL ne le serait pas en France ? À New-York, les startup sont elles empêchées de travailler ? Serions-nous donc plus libéraux que les américains ?

La TCL : http://www.nyc.gov/html/tlc/html/home/home.shtml

 

4) Le contenu des examens sera rendu plus difficile et empêchera des jeunes de les réussir ?

Face à l'instabilité dans l'organisation des examens, il est essentiel de redonner de la visibilité à tous les acteurs. Le tronc commun d'examens Taxis - VTC est prévu de longue date. Qui doit l'organiser ? L'article 6, supprimé par le Sénat, prévoit de confier son organisation aux chambres des métiers et de l'artisanat, là où sont immatriculés Taxis et VTC, pour harmoniser les conditions sur l'ensemble du territoire. Il vise à mettre fin à des abus graves constatés sur le terrain et dénoncés par les acteurs dans le cadre de ma mission. Les qualifications sont essentielles pour garantir la sécurité des consommateurs. Aujourd'hui, le taux de réussite aux examens VTC est quasiment le même que pour les examens Taxis. Les taux de réussite varient bien entendu dans les départements en fonction de l'existence d'une préparation ou non à l'examen. Le contenu des examens ne relève pas de la loi mais du pouvoir réglementaire et heureusement. On ne va quand même pas voter à chaque changement de contenu des examens une nouvelle loi ! L'essentiel est de permettre une périodicité suffisante pour l'accès à la profession et de garantir des conditions d'examens qui reposent sur la confiance de tous les acteurs. Le débat continue sur ce sujet pour apporter enfin de la stabilité et de la visibilité. Oui il faut accompagner les start-up et veiller à ce que la loi permette leur développement dans un écosystème où Uber voudrait imposer sa loi à tous.

 

5) Le LOTI sans transition ?

Le statut LOTI est prévu pour le transport de groupe (deux passagers minimum). Il a été utilisé massivement par certaines plateformes, pour concurrencer directement les taxis et les VTC en ne transportant qu'une seule personne. La loi a donc été contournée et la jeunesse a été flouée par de belles promesses. La proposition de loi prévoit une période suffisante pour permettre aux chauffeurs LOTI (salariés ou capacitaires) qui veulent continuer à faire du transport occasionnel dans les agglomérations de le faire dans le cadre du VTC en reconnaissant leur expérience par équivalence. Par ailleurs, nous devons être le seul pays au monde ou trois statuts différents se percutent. Comment expliquer à un consommateur que s'il est seul il peut prendre un taxi ou un VTC sur réservation, et que s'ils sont deux ils peuvent étendre le choix à un LOTI ? Simplifier c'est aussi apaiser ce secteur tout en ayant une concurrence saine avec des cadres respectés. La simplification c'est toujours bien pour les autres mais jamais pour soi-même. La modification apportée par le Sénat en mettant la barrière du 1er janvier 2017 est étrange. Si la loi était promulguée après le 1er janvier, elle serait rétroactive ... Je souhaite donc que l'on revienne à l'écriture initiale qui avait été soutenue par tous les acteurs et par tous les représentants des LOTI. Il n'y aura pas de suppression d'emplois contrairement aux mensonges véhiculés.

 

6) La question de la paupérisation, un mirage ?

M'étant rendu sur le terrain pour échanger avec des chauffeurs de tous les statuts, j'ai pu à la fois constater des situations difficiles dans le taxi (plus de 500 dossiers déposés dans les commissions départementales d'accompagnement) comme dans le VTC où de plus en plus de chauffeurs dénoncent le montant exorbitant des commissions pratiquées par Uber et le montant des courses qui parfois avoisinent les 4 euros. Pendant que certains chauffeurs s'appauvrissent en travaillant, certaines plateformes s'enrichissent en dormant. C'est une réalité, un fait. Nier ce phénomène c'est empêcher toute réponse durable par le dialogue qui permettrait à tous de pouvoir bénéficier de la croissance potentielle du secteur des transports urbains.

 

Ce sont des millions d'euros qui sont mobilisés aujourd'hui contre cette loi : achat de pages entières dans la presse en juillet, diffusion de messages aux consommateurs et aux chauffeurs, distribution de tracts à la sortie des métros dans Paris, cabinets de conseil parmi les plus chers du marché.

Oui il faut réguler sans empêcher l'innovation car il s'agit bien de permettre une concurrence saine entre tous les acteurs, et donc l'émergence de nouvelles entreprises. Le numérique doit être au service de l'humain et non pas l'inverse. Il s'agit bien de permettre à un secteur de se développer avec des règles communes.

Laurent Grandguillaume Député, membre de la commission des finances

En réponse à la tribune de Patrick Robin qui aurait pu s'intituler "Ode à Uber" plutôt que "Édit de rente"
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