Je lis une nouvelle tribune, après celle de M. Robin (voir mon dernier article sur son "Ode à Uber"), en lien avec la mobilisation contre la loi que je défends au Parlement. Cette tribune de Gilles Babinet comporte de nombreuses erreurs (http://m.huffingtonpost.fr/gilles-babinet/economie-taxis-vtc-outil-de-mobilite-sociale/).
Tout d'abord, il est fait référence au "projet de loi" que je défends. Je rappelle, comme je l'ai fait à M. Robin, que le texte que je défends au Parlement est une proposition de loi, d'initiative parlementaire, et non pas un "projet de loi" qui par nature est d'initiative gouvernementale. Ce texte est issu des travaux de plusieurs mois associant tous les acteurs du secteur (organisations de taxis, de VTC, de LOTI, plateformes). Il entend répondre à un triple enjeu : réguler le secteur, responsabiliser les acteurs, simplifier les statuts juridiques. Il s'agit de protéger les chauffeurs dans leurs relations avec les plateformes tout en répondant aux besoins du consommateur. Il faut rappeler qu'en début d'année, certaines plateformes ont refusé de communiquer au régulateur le nombre de chauffeurs Loti avec lesquels elles travaillaient. Cela a empêché le régulateur de pouvoir trouver une issue rapide aux difficultés constatées sur le terrain. Ces plateformes se sont réfugiées derrière l'actuelle rédaction du code des transports, profitant d'un vide juridique. C'est une des raisons de la nécessité de changer les lois existantes.
Ensuite, je m'étonne de cette réflexion : "Ainsi, dans le monde idéal imaginé par les théoriciens du Ministère des Transports, tous les chauffeurs de VTC seraient des indépendants, mettant fin au statut des "Loti", aménagé pour permettre un statut de chauffeur salarié". L'auteur de cette tribune a fait une erreur lourde de sens. Il laisse penser qu'un choix aurait été fait entre le salariat (Loti) et les indépendants (VTC). Il faut préciser que le VTC est une activité de transport qui permet de travailler en statut de salarié ou d'indépendant. Les entrepreneurs dans le VTC peuvent bien évidemment embaucher des chauffeurs en CDI, chauffeurs qui ont eux-mêmes la qualification de VTC. Il faut aussi préciser que bon nombre de chauffeurs Loti sont à temps partiel subi car on leur a souvent demandé de créer une microentreprise en complément de leur activité salariale pour permettre à l'entreprise Loti d'organiser un schéma d'optimisation sociale au profit de certaines plateformes. De plus, le Loti a été conçu pour le transport de groupe (minimum deux personnes) sur réservation et non pas pour le transport d'une seule personne en maraude.
Enfin, la question de la paupérisation des chauffeurs taxis - VTC et LOTI n'est jamais évoquée. Car face à la promesse de mobilité sociale à la jeunesse, il y a la dure réalité de la précarité sociale. Prenons l'exemple de chauffeurs VTC ayant choisis d'être indépendants à travers le régime de microentreprise (autoentrepreneur). Le montant maximum de chiffre d'affaires annuel est de 32900 euros soit moins de 700 euros de chiffre d'affaires par semaine. Or, contrairement au "régime réel", un chauffeur ne peut déduire ses frais professionnels (essence, location de la voiture, ...). Il ne peut pas non plus récupérer la TVA pour des investissements significatifs car il est en franchise de TVA. Il est soumis à l'impôt sur le revenu sur le chiffre d'affaires après abattement, et aux cotisations sociales. Ceux qui arrivent à s'en sortir le mieux les deux premières années sont ceux qui bénéficient de l'ACCRE d'où le turnover important dans la profession et la pression des acteurs sur les conditions d'examen. Il faut aussi préciser que les chauffeurs sont asphyxiés par le montant des commissions de certaines plateformes. Ayant travaillé en particulier sur la question des microentreprises dans le cadre du conflit entre les artisans et les poussins en 2013, je peux vous dire que s'il y a un secteur dans lequel ce régime n'est pas rentable c'est bien dans celui-ci compte tenu de la non déductibilité des frais professionnels.
Face aux nombreux arguments mensongers utilisés ici ou là, il est toujours bon de rappeler quelques vérités. Il est essentiel de gouverner les causes et non pas seulement de gouverner les effets. Ceux qui veulent nier la paupérisation d'une profession mettent un voile sur les causes de cette paupérisation qui est grandement liée aux pratiques de certaines plateformes.