Le thème de la "dé-marchandisation" s'inscrit régulièrement dans les débats. Nouveau paradigme ou concept éphémère ? Pour exemple, il était au coeur des débats de l'université d'automne du collectif "Esprit civique" à Cluny, où j'avais été convié par Dominique Potier, Député, pour intervenir sur le sens de l'engagement. Il l'est encore récemment dans le dernier livre de Fabienne Brugère "La politique de l'individu" (République des Idées).
La dé-marchandisation viste à extraire du "tout marché" un certain nombre de domaines et de sphères de la vie quotidienne. On parle de plus en plus du secteur non-marchand, du non-lucratif, de la responsabilité sociale et environnementale (RSE), des coopératives, des systèmes de financement alternatifs, des AMAP, du don, du bénévolat, des achats équitables, de l'économie circulaire (cf débats dans le cadre du projet de loi consommation), ... Et si la dé-marchandisation signifiait tout simplement le retour de l'individu, du citoyen face aux excès de la finance et aux échecs du capitalisme financier. On pourrait prendre pour exemple la résistance à la marchandisation dans les domaines de la culture, de l'art, de la jeunesse, de l'éducation ... Défendre la logique de convention entre le secteur associatif et le secteur public plutôt que la logique de prestation n'est ce pas aussi défendre les espaces démocratiques et donc la place de l'individu dans la cité. "Partenaires plutôt que prestataires", cela a un sens dans le secteur associatif et le bénévolat.
Ce début du XXIème siècle marque t'il le retour des thèses de Marcel MAUSS et de Karl POLANYI ? Plus qu'un mouvement de retour, n'est ce pas tout simplement un mouvement d'anticipation et de transformation, une forme de réenchantement de la politique ?
Un des enjeux pour la gauche est de mettre en avant un individu relativement hors marché pour redéployer des sphères de vie indépendantes de l'économie. C'est une des conditions pour rénover avec une vision égalitaire de la société. Réenchanter l'Etat, imaginer un nouvel Etat social, porter de nouvelles espérances, dépasser la vision à court terme des marchés, c'est redonner du sens à l'engagement collectif, c'est le retour du politique sur l'économie, c'est sans doute le sens de la dé-marchandisation. Il ne s'agit pas pour autant de "dé"construire mais de "ré"enchanter.