Fatalisme, désespérance, défiance, violence, … autant de maux qui font l’actualité hebdomadaire, dans l’immédiateté de l’industrie culturelle, de nos démocraties stagnantes, vieillissantes et usées. Le temps n’est pas à la raison mais aux passions, aux colères qui s’expriment ici ou là, se transformant parfois en haine à l’égard des autres.
Cette crise des consciences se manifeste, non pas par une fin de l’histoire érigée par décret, mais pas la déliquescence des partis politiques qui concourent pourtant à l’exercice de la démocratie représentative, à l’affaiblissement des syndicats, moteurs de la démocratie sociale, et à la défiance grandissante vis-à-vis des « corps intermédiaires », agoras de la démocratie participative.
Où sont les grands projets fédérateurs ? Où sont les imaginaires collectifs puissants ? Où sont les alternatives pour bâtir d’autres chemins ? Ce naufrage démocratique ne prendra pas fin par le romantisme social d’une étincelle révolutionnaire. Elle pourrait d’ailleurs s’approfondir dans les abysses d’une nouvelle réaction compte tenu de l'hégémonie culturelle qui s'est construite depuis 40 ans autour du triptyque identité - insécurité - immigration à l'extrême droite. Cette hégémonie culturelle n'est pas spontanée mais elle est bien le fruit d'une mobilisation politique, sociale, idéologique de sociétés de pensée (clubs, partis, associations, collectifs, …).
Face à cette crise des consciences européennes, sur laquelle se nourrit l’illibéralisme comme en Hongrie ou en Italie, où sont mêlés l’autoritarisme – l’ultralibéralisme et le nationalisme, on ne voit hélas pas encore l’émergence de la pluralité des mondes possibles, cette possibilité de « rallumer tous les soleils ». Et pourtant l’horloge tourne.
D’où viendrait cette émergence ? Non pas d’une mobilisation spontanée où les acteurs ne seraient que les rouages d’une « Machine » bien rodée, mais de sociétés de pensée où émergerait une nouvelle volonté générale, un nouvel intérêt général. Cette volonté peut se construire par les associations, les syndicats, les partis politiques, les collectifs, les nouveaux lieux, … partout où convergeront les idées et l’action.
A l’image du début du XVIIIème siècle, nous vivons et subissons cette crise des consciences européennes. Mais les Lumières tapies d’abord dans l’ombre de cette crise, jaillirent des consciences individuelles. Il y eut ces sociétés de pensées pour faire émerger cette volonté générale. Il y eut ces coopératives, ces mutuelles, ces syndicats, ces journaux, ces livres, ces mobilisations, … qui firent de cette volonté générale une colonne vertébrale de la République laïque et sociale.
Face à cette crise des consciences européennes, le temps est venu de faire naître de nouveaux imaginaires collectifs. C’est le temps des utopies, des expérimentations, c’est le temps des territoires là où naissent les radicalités dans la transformation du réel.