À mi-mandat, dans l'exercice du pouvoir, la gauche doit se réinventer et proposer de nouveaux marqueurs de son action au service des françaises et des français. C'est à cette condition et à l'aune de ses résultats qu'elle sera jugée demain.
Est-ce que les discours sur la lutte contre les déficits structurels, pour la croissance du produit intérieur brut ou sur d'autres données macroéconomiques forment une espérance ou un projet de société ? Ce n'est pas une réponse concrète aux préoccupations quotidiennes des françaises et des français même si chacun comprend qu’il est nécessaire de retrouver le chemin de la croissance pour créer des emplois, et de réduire nos déficits pour garantir notre souveraineté nationale. Léon Blum disait que “Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'existence.” Les conditions d'existence reposent en particulier sur un emploi, un logement et un savoir. Chaque enjeux sous-tend d’autres problématiques importantes.
Prenons l'exemple de la question des transports qui est liée en particulier à celle de l’emploi. Elle n’est pas suffisamment prise en compte dans l’action politique. Les déplacements pendulaires (déplacements journaliers domicile-travail) structurent tous les territoires. Ce mouvement est amplifié par la dissociation entre les zones d’activité et les zones d’habitation dans les périphéries. Les transports sont une préoccupation quotidienne des citoyens pour se rendre au travail, pour l'éducation des enfants, la santé, les loisirs, ... Il y a deux problématiques : la distance au lieu de travail et l’accessibilité aux équipements.
Ainsi, les distances domicile-travail se sont accrues de 26% dans le rural et les espaces faiblement urbanisés entre 1994 et 2008. Plus de 70% des salariés prennent leur voiture pour se rendre au travail. Si beaucoup de citoyens ont accès aux transports en commun, nombreux sont ceux qui sont frappés par les inégalités territoriales en la matière, faute d'infrastructures, de correspondances, ... De nombreux salariés sont donc dans l'obligation de prendre leur véhicule pour se rendre au travail et c'est là que naissent souvent les injustices.
« Les ouvriers prennent majoritairement la voiture pour se rendre au travail, les cadres et les professions intellectuelles supérieures – résidant souvent dans des zones urbanisées –, utilisent davantage les transports en commun » (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/_shared/pdf/5_RevueCGDD-ENTD-article_5_domicile-travail_08_12_10_cle7b8116.pdf). 78,1 % des ouvriers et 75,5 % des professions intermédiaires utilisent la voiture pour se rendre à leur travail. Ce sont donc bien les catégories populaires et les classes moyennes qui sont les premières percutées par les difficultés d’accès aux transports, aux mobilités et aux conséquences en matière de pouvoir d’achat à travers les dépenses contraintes de transport pour se rendre au travail. Elles sont d'ailleurs concentrées dans les secteur péri-urbains.
Les injustices en la matière sont multiples.
Une injustice territoriale tout d’abord. Les inégalités sont très fortes dans l'accès aux transports en commun. Beaucoup de collectivités territoriales et établissements publics intercommunaux investissent dans les infrastructures et les matériels mais ces investissements se concentrent dans les grands pôles urbains.
Une injustice économique et ensuite. Tout le monde n'a pas accès à un plan de déplacement d'entreprise (PDE) et donc à une prise en charge par l'employeur d'une part des abonnements transports. Cette injustice touche en particulier les salariés des TPE, PME-PMI.
Une injustice fiscale enfin. Le calcul de l'impôt sur le revenu tient compte des frais professionnels (transport, nourriture...). On a le choix entre une déduction forfaitaire de 10% et la déduction des frais pour leur montant réel. Or, quand la distance séparant votre domicile de votre lieu de travail excède 40 km (soit 80 km aller-retour), la prise en compte du kilométrage ne s’effectue que pour 40 km. L’intégralité de la distance peut être prise en compte si on justifie de cet éloignement par des circonstances particulières liées notamment à l’emploi occupé ou à des circonstances familiales ou sociales particulières, autres que des convenances personnelles. Autant dire que c’est le parcours du combattant. Et la réduction fiscale pour les frais professionnels sera très faible face au coût de déplacement (essence, péage, réparations, entretien, ..). L’essence peut déjà représenter à elle seule un budget de plusieurs milliers d’euros alors que la réduction fiscale sera de quelques centaines d’euros pour un salaire moyen.
La gauche doit se réapproprier cette question et proposer un plan ambitieux qui concilie : action territoriale sur les infrastructures et le matériel pour des déplacements respectueux de l’environnement, développement de dispositifs incitatifs en direction des TPE et des PME, réforme fiscale pour améliorer le pouvoir d’achat à travers la réduction de la dépense contrainte de transport pour travailler.