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Je travaille depuis plusieurs mois maintenant avec ATD Quart Monde sur une proposition destinée à révolutionner les approches de la lutte contre le chômage d'exclusion. J'ai organisé une première réunion de travail avec des parlementaires intéressés par notre approche. Il reste bien entendu à convaincre pour que l'idée se concrétise en une proposition de loi d'expérimentation.

Le préambule de la Constitution française prévoit : "Chacun a le droit de travailler et le droit d'obtenir un emploi". L'emploi est un vecteur essentiel de la dignité du citoyen. Or, beaucoup de citoyens sont privés d'emploi depuis trop longtemps. Le chômage d'exclusion frappe des familles dans tous les territoires de notre pays et ce constat accablant a été largement renforcé par les effets de la crise.

Aujourd'hui, le chômage d'exclusion sociale coûte plus cher à la collectivité que l'emploi, même lorsqu'il est cofinancé par la collectivité. Ce coût est considérable car il faut cumuler les dépenses directes et indirectes. Comme dépenses directes, il faut prendre en compte l'allocation spécifique de solidarité, le revenu de solidarité active, l'accompagnement assuré par pôle emploi et les collectivités. Pour les dépenses indirectes, il faut prendre en compte le coût du travail social pour chercher des solutions aux difficultés financières fréquentes qui peuvent se traduire par des factures impayées, le surendettement, la perte de logement, ... Des aides sociales sont mobilisées pour y répondre comme le fonds de solidarité pour le logement, les aides financières des communes, des conseils généraux, des caisses d'allocations familiales, ...

S'ajoutent aux questions financières, le mal être, la perte de confiance en soi, parfois des problèmes de santé, ... Le chômage de longue durée (plus d'un an) et le chômage d'exclusion sociale sont de véritables plaies sociales. Il faut partir du principe que personne n'est inemployable.

Les évaluations faites par ATD Quart Monde démontrent que le chômage de privation d'emploi coûte à la collectivité nationale un peu plus de 15.000 euros par an et par personne. Deux millions de citoyens sont concernés. Cela représente un montant global de 30 milliards d'euros. Il s'agit donc d'activer les dépenses passives.

La proposition de loi d'expérimentation reposerait sur la loi constitutionnelle et organique de 2003. Elle autoriserait la réallocation et la réaffectation automatique des coûts du chômage de longue durée pour cofinancer, dans les territoires d'expérimentation, l'emploi conçu comme un droit. L'argent sera réaffecté en fonction du nombre de demandeurs effectifs et non en fonction d'un budget prévu. Le dispositif responsabilisera toutes les collectivités locales sensibles à la question du chômage d'exclusion social et qui désirent s'engager.

"Un comité local de l'emploi conçu comme un droit", réunissant tous les acteurs concernés, permettra de piloter l'expérimentation. Le fonds local sera un organisme privé, habilité par la loi à recevoir les coûts du chômage de longue durée pour financer les emplois nouveaux à proportion des besoins identifiés dans les territoires d'expérimentation concernés. Le fonds local sera chargé de susciter des entreprises agréées (SA, SCOP, SCIC, association, ...). Elles devront s'engager, sur la base d'un cahier des charges, à créer des emplois à durée indéterminée et à temps choisi, rémunérés au SMIC, permettant à tous les chômeurs de longue durée du territoire de rester disponibles dans le cadre du marché du travail. Le CDI est essentiel car il faut répondre à la précarité par la sécurité et non pas par une nouvelle précarité avec des contrats courts qui se succèdent sans jamais redonner un espoir. Elles devront mettre en œuvre une recherche des travaux utiles, correspondant aux qualifications, permettant l'amélioration de la vie collective. Les besoins auxquels on ne répond pas aujourd'hui sont nombreux. Une charte encadrera la lucrativité de la structure par un mécanisme de mutualisation des éventuels bénéfices nets au sein du fonds local. Si l'entreprise peut assurer son équilibre économique sans le financement du fonds local, elle pourra renoncer ensuite à son agrément. Ces emplois ne doivent pas conduire à des effets d'aubaine. Il sera donc nécessaire d'avoir une parfaite étanchéité avec le secteur concurrentiel en portant l'objectif sur les emplois de travaux semi-solvables à l'image des chantiers d'insertion.

Une telle expérience a été menée en 1994 à Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire). Elle avait rendu des résultats positifs mais n'avait pas pu perdurer faute de financements durables.

Il faut de l'audace et du courage pour faire avancer cette idée. Inspirons-nous de la formule gravée au Conseil Économique, Social et Environnemental à Paris : "Considérer les progrès de la société à l'aune de la qualité de vie du plus démuni et du plus exclu, est la dignité d'une nation fondée sur les Droits de l'Homme".

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